vendredi 28 août 2020

La fin d'une époque ? : AJP Motos & Scooters - Villeurbanne.



La devanture en 1982
C’est dans l’ambiance particulière de cette fin août que je souhaite revenir avec toi sur une page d’histoire locale qui vient de se tourner.

A Villeurbanne, comme dans beaucoup de villes métropolitaines, souffle un vent de réforme et de changement quant aux moyens de transports. La pollution qui leur est attribuée , le changement climatique font que de nombreux urbains choisissent de se déplacer différemment, à vélo ou en « mode électrique ». Faut-il y voir une relation de cause à effet ? Y trouver une raison valable ? Toujours est-il que ce que je veux te raconter semble s’inscrire dans l’air du temps. Malheureusement ? Ou pas. Je te laisse juge.



Les origines de cette histoire remontent à longtemps, dans l’immédiat après-guerre.

Imagine.

Ambiance grisâtre, quelques voitures bringuebalantes, beaucoup de vélos et encore pas mal d’attelages hippomobiles arpentent les rues. Les gens, soulagés du joug de l’occupation, reprennent peu à peu des couleurs.

Au 7 de la rue Flachet à Villeurbanne, un magasin de cycles prend vie après la Libération. Juste en face des immeubles Gillet, cet établissement sur lequel je ne suis pas parvenu à retrouver de détails a été créé au sortir de la Guerre, à la construction du bâtiment qui l’héberge.  Les cycles, cyclomoteurs et motos de petites cylindrées représentent la plus grosse part du développement du marché des véhicules. En effet, les emplois ne manquent pas, la reconstruction a commencé, et il faut permettre à tous de pouvoir aller travailler. Les voitures étant alors trop chères (la production redémarre, mais accompagnée de coûts prohibitifs) c’est vers les deux-roues plus abordables que se tournent les Français. Villeurbanne étant une cité industrielle, il y a une forte demande.
C’est dans ce contexte que démarre l’activité de notre petit commerce.

Cela nous amène jusqu’en 1962. C’est un grand écart, je te l’accorde, mais je ne trouve pas de traces exploitables de l’établissement jusque-là.

Que se passe-t-il en 1962 ? C’est le changement de propriétaire. La famille Peronnet et fils reprend le magasin de cycles et lui donne une impulsion qui le fera perdurer près de quarante ans !

Concessionnaire Motobécane, c’est le stock le plus important de l’agglomération, des motos et des cyclos s’entassent sur le trottoir devant la vitrine. Celle-ci est d’ailleurs très achalandée, Les couleurs des marques distribuées (Motobécane, Motoconfort, Mobylette, puis Yamaha, BPS, Morini et Minarelli ) se disputent la vedette avec tous les accessoires et la pompe à mélange type « Solexine » qu’on sort tous les matins. On y traite également de bicyclettes en tout genre, les utilitaires en bonne place, les « course » et « mi-course » plus polyvalents sont suivis de plus en plus par des vélos de loisirs. 
Pour la moto il en va de même, les « popus » des années cinquante font peu à peu place à des machines plus cossues, plus performantes. 
A partir de 1982 les établissements Peronnet se font même une spécialité dans le tout terrain et le trial en proposant à leur clientèle de rouler et d’essayer les motos le week-end sur un terrain privé non loin de Villeurbanne.

L’atelier n’est pas en reste, répare et entretien non seulement les motos vendues sur place mais bien entendu le tout-venant multi-marque du secteur.

Le magasin Peronnet est donc une institution dans le paysage moto Villeurbannais et Lyonnais.




Ah ! Mais tu te demandes où je peux bien t’entrainer…



Et bien voilà.

Je te présente Philippe M.

Il apparaît dans cette histoire à un tournant crucial (En moto on dit un virage serré dont on ne distingue pas la sortie. Le célèbre Triple Gauche du circuit de Lédenon en est un bon exemple) Bernard, le fils de la famille Peronnet arrivait au terme d’une carrière bien  remplie en même temps que s’achevait le siècle dernier.

De son côté Philippe M, après avoir commencé à bâtir une vie professionnelle dans la boucherie charcuterie, s’apercevait que ce métier tant aimé ne l’aimait pas. Porter des carcasses plus lourdes que soi tous les jours n’arrange pas la santé ni les articulations. Fort (!) de ce constat, Philippe choisit une autre voie : la mécanique moto !

Etonnant ? Non ! A cette époque cela fait longtemps que Philippe vit et respire moto. Ce natif d’Antibes se déplace en deux-roues depuis toujours. Les Instances -Médecine du Travail en tête- lui permettent (lui intiment !) de se réorienter: Il se retrouve en formation près de Lyon, et vise le CAP Mécanique Moto. Aujourd’hui : Maintenance des Véhicules option C Motocycles
Durant cette période il doit réaliser un stage pratique pour valider son cursus. Venant du Sud de la France, c’est par hasard qu’il découvre les établissements Péronnet. Bernard lui met le pied à l’étrier et lui inculque une certaine idée du travail : la rigueur doit s’accompagner du sens du service et d’une certaine bienveillance. 
Chez Peronnet on sait accorder de la valeur au client autant qu’à sa moto ou son vélo. Et s’il faut prendre un quart d’heure pour régler le dérailleur ou gonfler les pneus d’un cycliste de passage, on le fait, et avec le sourire.

Cet état d’esprit correspond à l’idée que se fait Philippe du travail et du service. Les deux hommes apprennent à se connaitre à travers l'organisme de formation ("Laennec" devenu L'ADAPT) où Philippe réalise son diplôme. En effet, Bernard avait momentanément cédé sa boutique pour exercer en tant que formateur. Le repreneur ayant décidé de ne pas poursuivre,  c’est naturellement Philippe qui a repris l’activité.

L’enseigne AJP Motos et Scooters était née.


La devanture, en juin 2020



Le personnage mérite le détour !

Travailleur acharné, habitant dans l’appartement au-dessus comme les Peronnet autrefois, c’est seul et avec son CAP tout frais en poche que Philippe se lance au début de ce siècle.

Il lui en a fallu du courage !  Car quand tout va bien il est simple d’avancer et de faire du commerce. Mais se retrouver seul en but à un problème technique ou avoir besoin d’une « troisième main » ou encore échanger pour résoudre une situation mécanique épineuse n’est définitivement pas simple.

Philippe a de plus gagné des galons de « bon voisinage ». Affable et ouvert, il s’est lié d’amitié avec bon nombre d’habitants du quartier. Il n’était pas rare de voir le panneau « de retour dans cinq minutes » indiquant qu’il était en essai routier, utilisé pour dépanner les voisins : monter les courses, débloquer une porte ou évoquer la gestion de la copropriété.

 
De retour dans ... le temps qu'il faudra !

De fil en aiguille, calé sur la conjoncture Philippe a su mener sa barque pour évoluer. Toujours passionné de motos, ce sont les scooters qui ont pu lui permettre de traverser les années compliquées, ainsi que les cycles de tous poils. Une clientèle de fidèles habitués émaillée de l’arrivée régulière de nouveaux clients à pu observer ses capacités d’adaptation et l’astuce avec laquelle il se joue des contraintes techniques. Il a fabriqué de nombreux outils pour parvenir à résoudre tous type de casse-têtes, et élaboré beaucoup de procédures pour simplifier de nombreuses tâches. Détail croustillant : il a bénéficié du stock d’outillage de ses prédécesseurs et grâce à cela a pu répondre à des demandes parmi les plus improbables… (refaire un moteur de moto du début des années cinquante nécessite parfois des outils oubliés) 
Étonnamment, Philippe peut mettre en avant une pédagogie certaine, ce qui n’est pas l’apanage du mécano en général, et rendre limpide une explication technique impliquant une facturation salée. Jamais de hauts cris ! Toujours un  accompagnement teinté d’une bienveillance inattendue. Et puis s’il faut prendre un quart d’heure pour régler le vélo d’un cycliste de passage, on le prend, et avec le sourire !


Philippe, aux manettes !


C’est comme ça que j’ai fait sa connaissance. Non pas à vélo, mais un jour où j’ai eu besoin d’un coup de main pour une sombre histoire de fuite d’huile sur un tube de fourche. A l’époque je n’avais pas les connaissances et l’outillage idoine. Il avait alors pris le temps de m’expliquer quoi faire, ce qui m’avait conduit à démonter mes tubes pour les lui apporter. Lui ayant permis de gagner du temps car je n’étais pas sur son planning, il avait alors reconditionné ma fourche en deux temps trois mouvements. Nous étions restés depuis lors en contact régulier. Je suis ensuite devenu son voisin.

J’aime particulièrement voir passer dans la rue Philippe au guidon de motos et scooters qu’il vient de « terminer », pour valider par un essai ses interventions. Concentré, l’œil sur la route et l’oreille sur la mécanique, Philippe gratifie les passants du quartier d’un signe de la main accompagné d’un grand sourire. En le voyant passer Le « tout » s’inscrit dans la normalité : la coiffeuse, le carrossier automobile, le bureau d’études, la sandwicherie kébab… Les saisons. Le bonjour des gens du quartier. Quartier réduit à une vie de village en définitive, l’anonymat citadin disparaissant pour peu que l’on s’intéresse à son prochain. La vie quoi !


 
Philippe, au téléphone...



C’est en passant, l’hiver dernier, pour une visite de courtoisie qui s’éternisait autour de notre passion commune (comme d’habitude !) que Philippe m’a appris qu’il avait finalement cédé aux sirènes d’un promoteur immobilier. Le quartier se développe, la demande de logement aussi. Villeurbanne prétend accueillir près de trois mille habitant de plus par an. Combien parmi eux roulent à moto ? Pas beaucoup certainement.

A force de visites, d’offres, les Princes du Mètre Carré sont parvenus à leurs fins. Je te parie que ceux-là, s’il faut prendre un quart d’heure pour régler ou gonfler les pneus du vélo de la p’tite mamie d’à côté, ils ne le feront pas. 


La vie du quartier va en souffrir c’est sûr, il y aura un peu moins d’animation. Mais les nouveaux arrivants qui n’ont pas connu « avant » n’en sauront rien. Les anciens constateront et, d’un haussement d’épaules demanderont à voir la suite. Reste que pour bénéficier d’un service de proximité il faudra se tourner probablement vers Internet, qui nous indiquera quoi faire…

Tu noteras que la fermeture d’« AJP Motos et Scooters » clos une période de soixante-dix ans sans changement d’activité dans un même local… C’est un record pour Villeurbanne, et cela passe totalement inaperçu. Dommage ! Il est probable qu’il faille mettre cela sur le dos de l’air du temps dont je te parlais tout à l’heure, la moto n’ayant étonnamment pas bonne presse à une époque ou pourtant le deux-roues motorisé (et non motorisé d’ailleurs) permet de fluidifier la circulation.



De leur côté, Philippe et son épouse ont choisi de quitter la ville pour la campagne loin, très loin, pour s’établir dans une ferme. Dingue ! Permaculture, apiculture et vie au contact de la Nature font partie de leurs nouveaux projets.

Associe-toi avec moi pour leur souhaiter le meilleur. Aller de l’avant est assurément la meilleure manière d’apprécier le passé. Sans regrets.

Merci pour tout, Bon Vent !



Ps > une bécane détaillée chez AJP, en 2013 > https://legalipometre.blogspot.com/2013/03/la-patrouille.html


Joée, chargée d'accueil et système d'alarme sur pattes !




Plaquettes...




Des tas de tiroirs pour des tas d'histoires, de solutions...




Des tas de tiroirs...




Des boites de bougies...
















Le maitre des lieux, en pleine réflexion




C'est vrai ! ;-) :-)




Il ne faut pas finir avant d'avoir commencé !








Panoramique sur l'atelier. Modeste, il est configuré comme tel depuis 70 ans !





Des tas de tiroirs...




...des tas de tiroirs





Voilà une main qui a su exprimer le talent d'un entrepreneur individuel ! (et c'est pas fini !)


dimanche 2 août 2020

ATK Team... Gaz !

ATK Team - De gauche à droite : Thomas, Guillaume et Adrien

Tu connais Alfred de Musset ? L'auteur de "La Coupe et Les lèvres" qui écrivait ainsi en 1831 "Aimer est le grand point, qu'importe la maitresse? Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ?"  sans savoir ce que l'on pourrait en dire 189 ans plus tard... Ni que je m'en inspirerais pour te parler de moto. Et pourtant !
Le plaisir de pratiquer la moto n'est en rien provoqué uniquement par la puissance ou une cylindrée importante, ou la vitesse qu'elle permet d'atteindre. Les lois de la physique, l'engagement, l'intérêt qu'on veut bien lui porter sont tout aussi important. Peu importe la taille de la machine, de la mécanique.

Je t'ai déjà parlé ici avec gourmandise d'une catégorie de compétition qui s'adresse aux motards de tous poils, du poireau débutant jusqu'aux plus aguerris.(CLIQUE ICI)
Leurs point commun outre l'inénarrable envie d'en découdre au guidon sur circuit ? La bonne humeur (il en faut toujours) Une bonne dose de débrouillardise, une autre de sérieux (tout de même!) et bien entendu un sens inné comprenant :
- une préparation physique à toute épreuve à base de féculents et de protéines (crêpes au jambon, nouilles au thon, barbecue)
- une préparation mécanique aussi efficace que minimaliste (donc abordable financièrement mais réalisée avec tout le sérieux qui engage la sécurité des pilotes)
- une gestion personnelle de la Mauvaise Foi afin de pouvoir avantageusement parler de chronométrage.

Cette compétition nationale, développée sous l'égide de la FFM s'appelle le Championnat de France Moto 25 Power.
Quézako? Il s'agit d'épreuves de vitesse et d'endurance réparties sur le territoire national par régions. Ces courses sont réservées à des motos n'excédant pas la puissance de 25 chevaux. On distingue d'ailleurs deux catégories : les moins de 25 chevaux et les moins de 15 chevaux.
Les motos sont donc de petites cylindrées qui courent logiquement sur des circuits à leurs mesures : des pistes de kart.
Et voilà que de véritables équipes se sont montées depuis de nombreuses années autour de ce concept, qui permet de participer à un véritable championnat tout en contenant les coûts et les investissements. 
Il ne s'agit pas pour autant de courses au rabais... Attention ! Chacun est là pour se mesurer aux autres dans un esprit de camaraderie certes, mais avant tout pour la gagne.
Les officiels FFM en témoignent par leur présence, encadrant par un règlement officiel, un contrôle technique et sonore chaque manifestation. 
Pour déterminer à quelle catégorie on appartient, on s'inscrit dans l'une ou l'autre et le jour venu les machines sont passées au banc de puissance, sur place. Gare à l'équipe qui dépasse le nombre de chevaux déclarés ! Si elle ne parvient pas a régler la mécanique, elle risque de ne pas pouvoir participer, voir d'être disqualifiée.

C'est dans ce cadre que va jouer sa carte l'équipe d'attaque ATK Team !
Si les éléments abordés en introduction sont en quelque sorte des généralités, chaque équipe se doit d'avancer grâce à ses individualités. Fortes de compétences techniques, de finesse de pilotage ou d'un poids contenu (!!), les personnes qui la composent sont complémentaires. Y compris sur la piste, où va se jouer stratégiquement la gestion du temps.
Thomas, Adrien et Guillaume font équipe depuis peu et ont pris leurs marques sur une nouvelle machine, développée pendant l'hiver. Une Yamaha 125 YZF-R. Leur catégorie : moins de 15 chevaux. Leur course de prédilection : l'endurance.
Cette moto a reçu une préparation minimaliste, tournée vers l'efficacité. Il s'agit bien entendu de proposer une moto homogène qui convienne aux trois pilotes qui se partagerons le guidon. Plus facile à dire qu'à faire...
Pour cela la p'tite Yam' a reçu un kit moteur qui fait passer sa cylindrée de 125 à 150cm3. La partie cycle reste d'origine, les roues sont chaussées de pneus slicks, une monte "pluie"est en réserve. Les carénages ont été retirés au profit d'une tête de fourche, d'écopes de radiateur et un sabot récupérateur (obligatoire) en polys. Cela ne grève pas le Cx (!!) et facilite la maintenance. 
L'action sur le frein avant et optimisée grâce à un maitre-cylindre Magura HC1, tandis-que les gaz sont commandés par un barillet de tirage rapide. L'admission d'air est soignée et le moteur, dont les carters sont protégés contre les conséquences d'une chute, souffle dans une ligne d'échappement LéoVince. 
Une paire de commandes reculées réglables permet une prise d'angle maximale toute en contrôle. Le tableau de bord est simplifié : un contacteur à clé, un coupe circuit à fourchette et un chronomètre GPS Alfano achèvent la préparation.


ATK Team - slick !

J'ai pu observer l'équipe et sa machine lors d'une journée de roulage destinée aux réglages de la moto et à la prise de repères par chaque pilote. 
Les journées de roulage c'est toujours sympa ! Généralement en famille, les pilotes s'ébrouent avec plaisir sur une piste qui leur est quasi dédiée. Les femmes et les enfants s'extasient, et c'est tant mieux. Quand de plus cela se déroule début juillet aux confins de l'Ain et du Haut-Jura , à Moirans-en-Montagne sous un soleil de plomb, c'est top !
Nos amis se préparent à commencer la saison, à l'attaquer, devrais-je dire, lors de la manche du 8 Août 2020 à Paray-sous-Briailles, sur le Circuit Jean Brun (Varennes-sur-Allier). Nous y reviendrons.

En attendant, voilà quelques clichés de cette journée ensoleillée placée sous le signe de la performance. 
Enjoy !

ATK Team - On peut toujours compter sur Vince !



ATK Team - Thomas dans ses oeuvres



ATK Team - Thomas



ATK Team - Adrien. En plus d'un bon coup de guidon, notre ami a un bon coup de fourchette !



ATK Team - Guillaume, a fait tomber un collier ...



ATK Team -  Guillaume, pour bien bosser il faut les bons outils !


ATK Team - c'est marqué dessus !



ATK Team - Gabin, la relève !



ATK Team - Qu'eche qui diche ?



ATK Team - Adrien



ATK Team - Adrien



ATK Team - Adrien (encore !!)



ATK Team - Guillaume



ATK Team - Guillaume



ATK Team - Thomas



ATK Team - La relève s’immisce ;-) :-)