vendredi 2 octobre 2020

ATK Team... Gaz ! (Bis)


 
Je t'avais bien dit que nous en reparlerions...
Je vais te relater ici une expérience, celle d'un week-end de course moto particulier qui a vu la montée en puissance d'une petite équipe bourrée de qualités. Car il en faut, des qualités, pour parvenir à un résultat tel que celui-ci ! 
Mais comment ? Tu voudrais connaitre la fin avant d'avoir lu le début ? Attends un peu ...


Les 8 et 9 Août dernier l'équipe de pointe d'endurance 25 Power "ATK Team" est installée sur le circuit international Jean Brun à Paray-sous-Briailles, non loin de Varennes-sur-Allier.
La chaleur est écrasante. Tout le barnum du championnat AURA (Auvergne Rhône-Alpes) comptant pour le championnat de France "25 Power" a pris ses quartiers dans l'Allier, à mi-chemin entre Moulins et Vichy. L'organisation locale a été confiée au Moto Club Saint Pourcinois. En raison de la crise sanitaire, tu noteras qu'il s'agit même de l'ouverture du  Championnat de France 25 Power vitesse et endurance 2020. La FFM a marqué le coup en publiant CETTE VIDEO sur Facebook. On y voit Guillaume à l'attaque !
Situé sur les rives de la rivière Allier, ce circuit dédié au karting développe une piste de 1500 mètres par 8 de large. C'est idéal pour les motos de petites cylindrées qui peuvent être correctement exploitées, tout en permettant de doubler dans des conditions de sécurité convenables.

Vendredi soir, le paddock se remplit de caravanes, de camping-cars, de tentes, de cuisines et d'ateliers improvisés.
Adrien, Thomas et Guillaume, les pilotes, et Vincent le "team manager polyvalent" (pilote à ses heures lui aussi) ont organisé leur campement autour de leurs véhicules.
La table est dressée à côté de la moto campée sur ses béquilles.  Quelques mètres carrés finement exploités et recouverts d'un tapis d'herbe synthétique histoire de se détendre les arpions.
Tout est prêt pour que le programme du week-end se déroule au mieux : samedi essais libres et chronométrés, dimanche course d'endurance de 14h à 17h.
 
On ne badine pas avec la télémétrie !



Vince, dans ses œuvres... Il manie bien le chiffon ! (mais pas que ;-) )

 
Les copains sont chauds ! Pourtant le samedi matin rien ne va se passer comme prévu. La brave petite Yamaha 125 YZF-R numéro 37 refuse de fonctionner correctement. Je te passe les détails d'une journée de stress consacrée aux interventions mécaniques, pendant que les autres concurrents participent aux essais libres. La chaleur ajoute à la tension qui règne sous la tente. C'est finalement en fin de journée que grâce au prêt des pièces nécessaires par une autre équipe, que la moto va finalement accepter de démarrer normalement. Malheureusement il n'aura pas été possible de tester avant le jour de la course et les essais qualificatifs.
C'est là que j'interviens. Enfin, tu me connais, je devrais dire "c'est là que j'arrive". Le dimanche matin et à dos de Mamy Varadero bâtée pour les vacances. Muni d'une sachet de viennoiseries et chargé de fruits commandés la vieille par Thomas. Des pêches (en bois, pas de chance !) et une pastèque dont nous nous délecterons en fin de journée. Faut c'qui faut !

Comment te raconter une telle journée ? Ce n'est pas simple. Je crois que le mieux est encore de te décrire l'ambiance et puis ensuite je t'emmènerai au coeur de l'action.
Je ne sais pas expliquer pourquoi j'aime ça... l'ambiance autour d'un circuit, quand on a la chance de l'observer depuis le paddock d'abord et ensuite du bord de la piste, est un peu a rapprocher de la fébrilité de Noël. Attends ! je veux dire que dès que la date de la course est connue chaque équipe fourbis son matériel chez elle, dans son coin. Les pilotes s'entrainent, les mécaniciens préparent les machines, chacun s'organise. Puis tout ce petit monde se réunit dans un espace restreint le jour venu. 
Cette concentration d'efforts et d'organisation concertée est palpable. C'est grégaire et, bien que mesurée, on la ressent clairement. C'est l'effet "date butoir" de la fin de l'école et du début des grandes vacances... Tu ajoutes à cela le décorum, flammes, oriflammes, publicités sur les véhicules, les vêtements, les odeurs d'hydrocarbures, la gomme des pneus qui chauffe lentement, enveloppée dans les couvertures chauffantes. Les odeurs de cuisine aussi, qui attestent de la provenance des concurrents, venus de toute la France. 
Et le bruit ! Non seulement les moteurs, bien sûr, mais aussi la musique diffusée par les haut parleurs (peu importe où tu vas, on dirait qu'à chaque fois le sonorisateur a retrouvé un vieux CD dans sa boite à gants!). Les annonces micro, toujours rafraichissantes, mêlant sur ce genre d'évènement messages officiels et personnels. "Votre attention s'il vous plait, la 57 à la vérification technique, je répète..." "Dis donc Virginie ?! il arrive ce sandwich ?" J'adore ! Et ce n'est pas une critique gratuite. C'est la vie quoi ! Personne n'a dit que le gars qui parle dans le micro ne doit pas manger.

Adrien, décontracté.

Bref. Après m'être également installé et avoir récupéré mon bracelet "all access" (merci Vincent !) j'ai pu commencer ma séance photo tout en donnant des coups de mains ponctuels à l'équipe. Deux bras de plus sont souvent appréciés. Porter les casques, les cuirs, la boite à outils et tout le nécessaire à l'équipement du box dans lequel nous allons prendre nos quartiers pour l'après-midi.
Tu sais ? Je t'ai souvent ici présenté les boxs des écuries du Mondial d'Endurance Moto (EWC) au circuit Paul Ricard pour le Bol d'Or. Et bien ici c'est pareil, mais en plus petit ! C'est amusant je sais. J'exagère ? Peut-être un peu; Mais se retrouver dans la voie des stands, entourés des teams qui s'installent dans le brouhaha, c'est palpitant. L'heure H approche. Les officiels patrouillent, portant sur leurs têtes des casques de radiocommunication et des bloc-notes à la main. Ils procèdent aux dernières vérifications, se font préciser des infos, tentent de mettre un peu la pression aux indisciplinés. Le tout dans une ambiance bon-enfant. 
La moto de l'ATK Team est prête et attend à l'ombre, au fond de son box.  Il est temps d'aller déjeuner.
Adrien est un cordon bleu de paddock. La dernière fois il avait parfaitement réussi la cuisson de godiveaux. Cette fois ce sont des pâtes agrémentées de tomates du jardin qui permettrons aux pilotes d'avoir... la pêche pour la course. Sucres lents obligatoires !

ATK Team ... A table !


Une micro-sieste dans les transats sous la tente, et il est temps d'y aller.
Retour dans les stands, la moto est libérée de ses couvertures chauffantes, les slicks sont à bonne température. Vu le soleil et la chaleur qui règnent, elle ne va pas trop redescendre d'ici le départ.
C'est Guillaume qui a été désigné pour prendre le départ. Dès qu'il prend position en pré-grille nous comprenons que la course sera un calvaire : il fait près de 35 degrés à l'ombre. Sur la piste il n'y a pas d'ombre ! Le cuir des combinaisons n'est pas très respirant dans ces conditions. De plus, si certains disposent d'une réserve d'eau (camelback) ce n'est pas notre cas.
Le tour de chauffe porte bien son nom, et c'est avec soulagement que le départ est donné à 14h00 13h53 ou quelque chose comme ça, les officiels ayant décidé de lâcher la meute dès qu'elle a été prête. Sympa mais pas très pratique pour élaborer une stratégie. C'est parti pour trois heures ! 
 
Départ ...

 Privé des essais de la veille et qualifié en milieu de grille le matin, l'ATK Team prend un départ moyen mais, grâce a Guillaume, se place rapidement dans un rythme soutenu et régulier. N'oublie pas que nos amis boxent dans la catégorie moins de 15cv. Les moins de 25, plus puissantes et plus rapides sont là elles aussi ce qui ne rend pas facile l'appréciation des places tenues par les concurrents. Il faut que nous allions régulièrement lire les affichages en temps réels des informations provenant des transpondeurs embarqués sur les machines. Sur ces écrans nous pouvons les suivre par chrono/catégorie, ce qui permet d'identifier les adversaires.

Guillaume, gros gaz!

 

 
Panneautage par Vincent. Le parapluie ? Il est rouge et c'est un bon point de repère pour le pilote !

Fin du premier relais, Vincent signale à Guillaume de rentrer au box. Rapide et efficace, en quelques secondes Adrien prend le guidon et part à l'attaque. Guillaume est épuisé. Vincent l'aide a retirer son cuir. Victime d'un "coup de chaud" Guillaume pense qu'il ne sera pas en mesure de continuer. Nous lui laissons le temps de réfléchir, pendant que Thomas juge que rouler dans ces conditions n'est pas tenable. Il règne un peu de confusion, jusqu'à ce que nous constations qu'Adrien améliore ses temps. J'accompagne Guillaume près d'un point d'eau un peu à l'écart. Il se douche à l'eau froide et reprend peu à peu des couleurs.
 
Guillaume, en surchauffe.

 
La stratégie se dessine : les relais prévus devaient durer 20 minutes. Vu les conditions de roulage, Thomas et Vincent décident de ramener les relais à 15mn. 
Adrien passe le guidon à Thomas. Les relais s'enchainent, Guillaume peut finalement continuer. Les chronos tombent avec régularité, l'ATK Team est cinquième puis quatrième de sa catégorie au deux tiers de la course.
Soudain, des gouttes de pluie orageuses. Cela fait maintenant plusieurs minutes que des nuages d'orage s'amoncellent aux alentours. On voit distinctement tomber la pluie sur l'horizon et tous les participants s'attendent à ce qu'elle parvienne jusqu'au circuit. Le vent s'est levé, de la poussière en suspension confère à l'ensemble une atmosphère à la MadMax. Les gouttes semblent s'intensifier, ce qui provoque le retour aux stands de nombreux concurrents pour un changement de pneumatiques; des roues "pluie" sont montées, beaucoup pensent que la course est en train de se jouer.
Vincent, un œil rivé sur son appli météo d'un côté, l'autre sur l'horizon décide avec Thomas qu'il n'est pas nécessaire de rentrer. 
 
ATK Team #37, Thomas

 
Les commissaires agitent pourtant le drapeau blanc barré de deux diagonales rouges signalant les gouttes de pluie. Qu'a cela ne tienne ! Les copains s'adaptent, baissent légèrement le rythme et continuent. L'adhérence est précaire dans certains virages, mais la stratégie paye : l'orage "évite" le circuit. La chaleur, bien qu'atténuée, permet à la piste de sécher rapidement. C'est à nouveau la cohue dans les stands ! On repasse les slicks, certains perdent un temps précieux.
L'ATK Team, imperturbable, poursuit ses efforts. Les gars sont maintenant dans le même tour que leurs adversaires direct, le team "Fend la bise" mené par les "Picarloux" et leur Yamaha "cochon". Inratable, leur moto est rose et affublée d'un petit cochon en plastique fixé à la coque arrière de manière à narguer les poursuivants. La stratégie va donc s'avérer primordiale. Au jeu des ravitaillements et des relais chaque équipe influencera les décisions de l'autre. Le course continue. Nous sommes suspendus à l'écran de chronométrage. 
 
Un Picarloux "fend la bise" sur son cochon rose !

 
Depuis le bord de la piste j'assiste au spectacle hypnotique des motos qui basculent sur l'angle pour entrer dans le virage situé devant les stands. Les pilotes ont intégré la cinématique, l'enchainement des gestes qui va leur permettre de négocier la boucle efficacement, sans perdre de temps. Seule la différence de puissance entre les deux catégories autorise les dépassements à cet endroit, mettant en lumière la finesse des préparations mécaniques. La relance en sortie (ce que tu peux appeler la reprise) est sensiblement différente d'une machine à l'autre, y compris dans la même catégorie. Certains diront qu'ils tutoient les limites du règlement technique, d'autres diront des premiers qu'ils tutoient ceux qui le rédigent... Mais là n'est pas le sujet, la mauvaise foi étant -et c'est bien connu- une discipline complémentaire de la maitrise du pilotage moto !
Nos amis bataillent dans le trafic et tiennent la dragée haute à la concurrence. Une confortable avance sur leur poursuivants assoie la position de l'ATK Team en une solide quatrième position dans la catégorie moins de 15 chevaux. Le temps passe, la tension augmente et la fin de course arrive. 
 
ATK Team, Adrien

 
Le team "Fend la Bise" a dépassé le temps imparti de 30 minutes maximum pour effectuer son relais et devrait normalement rentrer au stands pour assurer un changement de pilote, ce qui lui permettrait d'assurer sa troisième place;  mais pour l'instant il ne le fait pas. 
Guillaume est au guidon. Il est le dernier relais et devrait passer la ligne d'arrivée. Il soigne ses trajectoires et s'applique à être le plus fluide possible. Son coup de chaud est passé, il est concentré. Les tours s'enchainent, réguliers. Nous commençons à regarder nos montres, et jetons des coups d’œils appuyés aux concurrent roses tapis dans leur stand. Vincent est debout sur l'escabeau de panneautage, Thomas et Adrien se disent que si nos adversaires ne jouent pas le jeu il faudra porter une réclamation officielle. Ni l'un ni l'autre n'ont envisagé en arriver là pour cette première course de l'année. C'est une question de principe, ces gars là sont honnêtes. 
A cet instant les concurrents à tête de cochon rentrent au stands pour changer de pilote en espérant en sortir avant que Guillaume ait pu boucler sont tour, et donc repasser devant. Il faut saluer cette décision, certainement difficile a prendre, qui laisse a chacune des parties en présence une chance de s'en tirer avec les honneurs. Les gars effectuent un relais impeccable, et nous suivons des yeux la moto rose qui remonte la voie des stands, la prégrille et la voie d'accélération. Pendant ce temps Guillaume achève son tour, passe devant les stands où nous sommes suspendus, le souffle court. Il passe plein angle devant la Yamaha du team "fend la bise" qui n'a pu entrer efficacement sur la piste en raison du trafic et dont le pilote attend, un pied à terre. 
 
"Fend la bise" sur le relais qui lui coûte le podium... Dans le respect de la règle.

 

Ouf ! Guillaume est passé et de fait, prend la troisième position de la catégorie. Il faut maintenant résister au retour "du cochon" et assurer la chrono, sachant que le deuxième est loin devant et ne devrait pas pouvoir être rejoint, sauf "fait de course".
Les esprits s'échauffent, les nerfs se tendent et les mâchoires se crispent.
Les minutes s'égrènent lentement, l'assistance est fébrile : les pilotes sont acclamés par leurs équipes à chaque passage. Nous croisons les doigts et surveillons le chronomètre : les adversaires ont entamé une remontée, mais Guillaume est solide et régulier, protégé par quelques attardés. 
Enfin la délivrance !
L'arrivée est signalée par la direction de course, le drapeau à damier vient conclure une aventure de tout premier plan pour cette jeune équipe ATK Team !
Guillaume exulte au guidon, achève avec succès trois heures d'une course d'endurance épique en s'offrant un tour de parade et saluant le public venu nombreux.
 
Guillaume exulte !


Je te le disais plus haut, il faut beaucoup de qualités pour produire un résultat pareil pour une équipe que l'on qualifiera de débutante. Et c'est certainement sur une dimension humaine qu'il faut parier, avant même de parler de matériel. La capacité des membres de l'équipe à rester à l'écoute des uns et des autres, apprécier le moment, se supporter sans juger est épatante. Tout cela à n'en pas douter au service de leur passion commune : faire la course !
N'oublions pas le partage ... En effet, tu as pu lire au début de ce billet que la brave petite moto numéro 37 est parvenue à prendre le départ grâce au prêt de pièces par une équipe, forcément concurrente. Cette équipe est la "Fend la bise" des Picarloux !  La boucle est bouclée. Il est certain que si ces gars là rencontrent des difficultés une prochaine fois, ils sauront où trouver de l'aide ;-)
Tout le monde s'est ensuite activé en attendant la remise des prix, et à fait de ce moment éreintant un rendez-vous presque agréable. C'est dire !

Enfin, l'animateur au micro a convoqué les participants concernés à venir chercher leur prix. C'est toujours curieux lorsque les courses prennent fin le dimanche soir : il n'y a pas grand monde à la cérémonie, le paddock s'est vidé. Et bien ce n'est pas grave ! 
Adrien, Thomas et Guillaume ont reçu la coupe du troisième pour cette course. Et pour eux peu importe : c'est sûrement la plus belle. 
Et le plus beau est qu'elle en appelle d'autres !
 
Des photos ? Bah voyons ! ;-)
 

ATK Team !

 


Vincent, aux petits soins pour Guillaume

80, c'est bien !

Quand faut y'aller ...

Adrien, cuir, 35 degrés ... après 15mn d'effort !

Thomas trajecte soigneusement

Thomas trajecte soigneusement (bis)

Adrien remonte le temps

Adrien remonte le temps, et sur les adversaires (même que les verts sont dans la catégorie sup'!)


Guillaume scratche son coupe-circuit...

... avant de repartir à l'attaque !

Thomas : "on est trois !!!"

Adrien trajecte soigneusement (aussi !)

Trajectoire soignée (Guillaume)


1 commentaire:

  1. Voila un beau compte rendu. Super cette ambiance et cette équipe qui a preté des pieces et ne monte pas sur le podium. Sa c'est de l'esprit comme je l'aime
    Bravoe a vous tous

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