Florian Durieux, MC Nevers, sur Honda 600 CBR |
Martinant/Durieux sur F2 motorisé par un 600 Honda |
J'ai bien entendu accepté, étant friand à la fois d'infos, je ne maitrise évidemment pas tous les aspects de la discipline, mais aussi d'échanges autour de notre passion commune.
Il est vrai que d'un point de vue extérieur et/ou néophyte, le fait de monter une côte à moto en se battant contre la montre semble simple et distrayant.
Le public prend la mesure du courage et de l'engagement des pilotes, en observant qu'il en faut une bonne dose pour faire un chrono respectable. Il pense en général qu'un gros moteur est un avantage, mais ne se doute pas à quel point la finesse du pilote, son ressenti et sa préparation influent sur le résultat.
La science du pilotage, bien qu'extrêmement développée, reste confuse et peu commode à appréhender pour le public.
Mais le frisson est là. Le "Thrill" comme l'on dit dans la langue de Shakespeare.
C'est cela qui fait asseoir le public dans l'herbe, sur les talus surplombant la piste.
Pourquoi je te parle de ça ?
C'est très simple.
Florian Durieux est plus qu'un pilote de moto. Il est aussi fin metteur au point.
Pragmatique et modeste, il reconnait ne pas être le plus rapide de sa catégorie. Ce qu'il aime c'est "s'amuser" sur sa moto.
Il n'en reste pas moins un compétiteur qui souhaite comprendre et progresser, repousser ses limites et prendre une part active au déroulement du championnat.
Comment faire ?
Et bien tu vas voir, la suite est limpide...
Florian a installé un système d'acquisition de données "maison" sur sa 600 CBR, en s'inspirant de son expérience en Grand Prix Moto !
Il fallait y penser et, bien que nous vivions au 21ème siècle, tous les pilotes ne sont pas équipés de ce matériel, home made qui plus est.
C'est avec un étonnement doublé d'une certaine admiration que j'ai pris connaissance des informations communiquées. Il est certain que cela complète bien tout ce que tu dois savoir autour de la course de côte à haut niveau.
Voilà de quoi satisfaire notre curiosité et toucher du doigt une partie du travail d'analyse nécessaire pour taquiner le haut du tableau !
Florian illustre parfaitement l'état d'esprit qui anime les pilotes de sa discipline.
Je ne peux que lui laisser la parole, en reproduisant ses explications et illustrations sur le sujet.
Ses mots débordent d'une passion communicative !
Grand merci Florian pour cet échange des plus instructifs !
Salut Florent
Je ne suis pas parmi les plus rapide de
ma catégorie, mais j'aime bien m'amuser à moto. J'ai ainsi équipé
mon cbr d'une acquisition de données fait maison.
Je peux ainsi analyser mes actions sur
la moto, les comparer à mes sensation et surtout me focaliser sur
certain points lors des montées. C'est très efficace, j'ai gagné
entre 5 et 7 secondes par montées par rapport à l'année dernière.
Voici par exemple pour Panissières une
analyse succincte d'une montée en 53.3s:
Le champ de couleur sur le parcours
correspond à la vitesse, plus on tend vers le marron, plus on se
rapproche de 190 km/h, vers le bleu, c'est 0.
La courbe verte superposé à la route
est l'ouverture des gaz. 100%, on est à fond, 0% on est une
lopette!
En terme de statistiques, la course de Panissières c'est:
1042 tours de roue arrière
une vitesse de pointe de 185.3 km/h
une montée en 53.3s
10.2 seconde de pleine ouverture des
gaz
38.6% d'ouverture moyenne des gaz sur
toute la montée
et une vitesse moyenne de 121.58 km/h
pour moi (134.4 pour le vainqueur en 600cc!!!)
Techniquement, je travaille plutôt
avec les données sous Excel:
C'est plus explicite et largement
suffisant pour l'interprétation. On a:
en vert: la position papillon
en rouge: le régime moteur
en bleu: la vitesse
en marron: le rapport engagé
J'en suis venu à ça parce que j'ai eu
l'occasion de travailler en grand prix moto et me suis vite rendu
compte qu'il y avait des dissonances entre les discours de pilotes et
les données. En premier lieu, j'ai mis ça sur la mauvaise foi du
pilote. Mais après coup, je me suis rendu compte que cela venait plutôt de l'interprétation erronée du comportement que d'une réelle
mauvaise fois. en effet, avec l'expérience, on se rend compte que ce
que l'on pense faire est fortement influencé par ce que l'on
voudrait faire...
Puis d'un autre coté, ça m'a amusé
de faire ce truc :)
Coté implantation sur la moto, il n'y
a rien de sorcier:
un petit piquage sur le fil du
TPS(throttle position sensor, le capteur de position papillon) pour
connaitre l'ouverture des gaz, un autre piquage sur le capteur
d'arbre à cames pour connaitre le régime du moteur et un capteur
ajouté sur la roue arrière avec une roue phonique pour connaitre
l'angle de rotation de la roue.
vue du disque de frein arrière modifié pour faire office de roue phonique. Le petit capteur noir à coté de l'étrier est un capteur inductif |
à partir de tout ça, on peut calculer
la vitesse de la roue arrière qui une fois intégrée permet de
calculer la distance parcourue. Le tracé du parcours est piqué sous
forme d'un fichier *.kml généré avec google maps et le tour est
joué.
Toutes ces données sont collectées
dans un petit boitier d'acquisition fait maison à une fréquence de
5Hz (pas de 0.2s)
Pour la vue 3D, elle est générée à partir des données enregistrées, du tracé du parcours, d'une image téléchargée légalement via google maps et des données libre d'exploitation sur les mission topographique de la NASA disponible sur le site du SRTM (shuttle radar topography mission)
Sur la vue ci-dessus, j'ai superposé
le tracé de la course avec les données topographiques SRTM.
Pour avoir la première vue (en haut, en vert) il suffit de
plaquer sur cette surface une image issue de google maps.
Un petit exemple de ce que ca peut
apporter:
Sur les données ci-dessus, je compare
ma 2nd montée et ma 3e. La flèche sur le graphe de droite localise
le point étudié sur le parcours de Panissières.
Les traits gras représentent les
données de la 5e montée, ceux en fin représentent la 6e montée.
On peut voir que dans la zone
concernée, je suis passé en 2nd lors de la 5e montée et en 3e lors
de la 6e montée. (traits marron gras et fin). en conséquence de
quoi je suis passé à environ 11500 tr/min lors de la 5e monté et
seulement 9500/10000 lors de la 6e. Cependant, la moto étant moins
violente en 3e qu'en 2nd, et la sensation de vitesse liée au régime
étant moindre, je suis passé près de 10km/h plus vite dans ma 6e
monté que dans ma 5e. C'était un essai lié à une première
analyse des montées précédentes et il s'est avéré payant. En
outre, si on compare les vitesses sur le suite immédiate du
parcours, on constate qu'en 3e, j'accélère plus tôt (courbes
vertes) et que du coup, la vitesse dans la partie droite qui suit est
la même que je sois en 2nd ou en 3e.
A cela s'ajoutent d'autres détail à
droite à gauche. Le bilan, c'est 1 seconde de gagné entre la 5e et
la 6e montée!
Le talent au guidon reste donc impératif. Ouf ! ;-)
Il semble cependant que l'informatique soit un sérieux allié dans ce contexte...
Et moi qui pensais que la course de côte était simpliste et brutale !
Il n'en est rien.
... Ctrl ...Shift ... GAZ !
Le talent au guidon reste donc impératif. Ouf ! ;-)
Il semble cependant que l'informatique soit un sérieux allié dans ce contexte...
Et moi qui pensais que la course de côte était simpliste et brutale !
Il n'en est rien.
... Ctrl ...Shift ... GAZ !
Hello Flo.
RépondreSupprimerInstructif, très instructif, très très instructif l'ami Florian. Cela rejoint une discussion que j'ai eu il y a quelques années avec Horst Buhrmeister, préparateur allemand de moteur en longtrack et speedway. Il m'avait indiqué alors, qu'il est très rare que les pilotes arrivent à expliquer, détailler le comportement réel du moteur dans les courbes. Le plus souvent, les sensations étant bien différentes de la réalité des chiffres.
@+ Csokipuncs
N'est-ce pas ? c'est extraordinaire, et avec les mots de Florian cela devient clair ! :-)
RépondreSupprimermoi j'ai une question, peut-on arriver à des analyses similaires, même si elles sont moins détaillées avec d'autres systèmes embarqués?
RépondreSupprimergenre payant comme starlane ou gratuit comme racechrono (sur portable)?
(n'étant pas un ingénieur informaticien... mais j'aimerais tester ce type d'analyse sur le sidecar f2 de mon père, et puis j'aimerais me lancer en course de cote...)
Bonjour Louis ! Je ne peux répondre directement à ta question. Je t'invite cependant à contacter Florian directement via son site : https://sites.google.com/site/moiryracing58/
RépondreSupprimerIl sera de bon conseil, j'en suis sûr.
Meilleurs voeux pour la côte, je t'y croiserai avec plaisir !
A bientôt,